L'écriture en folie

Voici un exercice d'Écriture en folie proposé par Lise Houle le 15 avril 2023

C'ÉTAIT AUX PREMIERS JOURS D'AVRIL 


Consignes

Poésie, poésie rimée ou prose


Mots obligatoires  - aucun 

Difficulté supplémentaire - les haïkus entrent dans la catégorie poésie japonaise

Titre :  surtout n'ouliez pas de donner un titre autre que le printemps

 Commencer le texte avec :   C'était aux premiers jours d'avril 

Longueur du texte : Minimum de mots 100 

                                                  Bonne inspiration et bon exercice de création

Mémoire de poisson rouge 

« C’était aux premiers jours d’avril… ». Ça chante dans ma tête. Je me souviens. J’avais quinze ans. Alain Barrière était mon chanteur préféré. Cette chanson, c’était la mienne. Celle des premières fois, des premières découvertes, des premières amours, des premières aventures et des premiers désirs. Puis plus tard, celle sur laquelle nous nous sommes connus, embrassés, caressés et bien pire pour certains. C’était si beau pour nous qui ne nous sommes plus jamais quittés.

Jusqu’à il y a six mois, lorsque tu m’as laissée, ici, seule. Je ne peux pas t’en vouloir. C’est toi qui es parti en premier. J’attends juste de te rejoindre. Quand je ferme les yeux, je te vois me sourire et m’attendre. Je ne vais pas tarder mon amour. J’arrive, dès que j’ai trouvé la réponse à la question que l’infirmière m’a posée tout à l’heure :

 — « Et c’était laquelle, votre chanson préférée ? ».

J’ai répondu instinctivement, sans beaucoup réfléchir :

 — C’était aux premiers jours d’avril…

Avant de regarder l’infirmière :

— Et puis, zut ! J’ai oublié la suite.

— Mémoire de poisson rouge, m’a-t-elle répondu en souriant.

— Ah non ! Pas du tout ! me suis-je exclamée. Ça va me revenir.

Déjà presque une heure que je cherche à me souvenir. Qu’est-ce que ça m’énerve ! Malgré tout ce que pense l’infirmière, je ne perds pas la mémoire.

La preuve : ici, je me souviens de tout : des goûters d’anniversaire obligatoires, des jeux débiles, des soirées télé avec de vieux films, des thés dansants, des résidents en mal d’amour ou en peine de jeunesse, des séances de yoga pour garder la forme. Et même de la fabrication de colliers de perles pour entretenir la dextérité, en alternant les couleurs pour vérifier que mes neurones fonctionnent encore, mieux que ceux d’un poisson rouge.

Ils fonctionnent. Ça y est, maintenant, je me rappelle :    

« Elle avait le regard tranquille, des gens qu’on ne dérange pas ».  

Je sais maintenant pourquoi je l’aime tant cette chanson…

… Pour qu’on ne me dérange pas…

…Surtout les premiers jours d’avril.

J’arrive mon amour.


Isabelle Giraudot - retraitée de l’enseignement - Plogoff (département du Finistère) - France - le 11 mai 2023 

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