L'argent

Avoir tout, et tout de suite

Le taux d’endettement bat présentement des records chez les jeunes. Le crédit leur est trop facilement accessible. À 18 ans, ils peuvent déjà avoir une carte de crédit. Ils ne sont pas toujours conscients qu’ils devront rembourser un jour, en plus des intérêts élevés s’ils ne paient pas à temps. Ils ne font pas toujours la différence entre besoins essentiels et besoins superflus. Ils se laissent tenter par toutes les nouveautés. Ils se créent des besoins.


Je tiens à préciser néanmoins qu’il y en a des jeunes qui sont prévoyants et responsables. Mais ceux ne l'étant pas en prennent conscience souvent trop tard, seulement quand on leur court après pour le remboursement. À ce moment-là, ils commencent à sentir la pression, leurs dettes leur causent des insomnies et jouent sur leur moral. Ils ne savent plus comment s’en sortir.


Bien qu’ils soient intelligents dans bien des domaines, qu’ils aient beaucoup d’années de scolarité, plusieurs n’ont jamais appris à gérer leur argent, ni à faire un budget. Ils n’ont pas appris d'acheter seulement quand on a de l’argent, que l’endettement est une hypothèque sur leur avenir et qu’il est nécessaire de prévoir un coussin pour les imprévus. On dirait que leur cerveau ne leur envoie que des signaux d’urgence. La génération des milléniaux vit une ère d’abondance et de facilité. Ils apprendront que dans la vie, on doit travailler pour avoir ce que l’on veut et que souvent c’est un processus long et pénible, et pas seulement en ce qui concerne l’argent.


Toutefois, mentionnons que la carte de crédit peut nous dépanner grandement dans le cas d’une urgence coûteuse et imprévue. Cela évite aussi d’avoir trop d’argent comptant dans ses poches.


Le sujet de l’économie est largement absent des programmes scolaires du moins au Québec. Pourtant très jeunes déjà, ils savent faire la différence entre pauvreté et richesse, que tout a un prix et qu’on ne peut pas tout avoir ce qu’on veut, tout de suite.


Ce qu’ils ignorent, c’est qu’il y a un plaisir dans l’attente. Quand on projette un achat important ou quand on prépare un voyage pendant six mois, notre cerveau secrète les mêmes hormones de plaisir que si l’événement était déjà arrivé.


Rêver, imaginer, anticiper, désirer sont des plaisirs de la vie. Si le plaisir était justement autant dans le désir que dans sa réalisation?

Lorraine Charbonneau – Retraitée de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier - Laval – Québec - le 5 juillet 2021

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Il n’achète pas la jeunesse

Les Québécois sont longtemps eu un rapport équivoque avec l’argent. Comment l’expliquer? Je pense que notre héritage religieux y a contribué. Même aujourd’hui, alors qu’on a pris du recul face à la religion, on reste tout de même discret face à l’argent, ça reste un sujet tabou, un sujet qui nous rend un peu mal à l’aise.

L’argent ne fait pas le bonheur mais «vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade», comme le disait Yvon Deschamps.

L’argent est un symbole. Il représente d’abord la sécurité. Tous les humains, petits et grands, ont besoin d’être à l’abri, d’avoir de la nourriture, un toit sur la tête, des vêtements pour les tenir au chaud. Et tout ça coûte de l’argent.

Il représente l’autonomie. Qui veut être pauvre, dépendre des autres, faire pitié ou vivre dans la misère? En tout cas, pas moi.

L’argent m’a apporté une certaine fierté de ce que j’ai accompli jusqu’ici, j’ai travaillé fort pour y arriver. Je me suis bien débrouillée de sorte qu’aujourd’hui, je ne demande et ne dois rien à personne, j’ai le sens de l’organisation, je suis une bonne gestionnaire de mes biens de sorte que mes vieux jours sont assurés.

Il représente ma tranquillité d’esprit, le pouvoir de faire ce que je veux dans la vie, d’en être le seul maître. Il me donne le pouvoir de me payer ce dont j’ai besoin, et même ce dont je n’ai pas besoin, de voyager si bon me semble et de me payer du bon temps, sans inquiétude des fins de mois.

J’aime aussi pouvoir faire un cadeau à l’occasion ou donner à un organisme qui sollicite mon aide. La richesse se doit d’être partagée.

Il ne faut pas donner aux choses plus d’importance qu’elles en ont. L’argent a tout de même ses limites : il ne redonne pas la jeunesse, il ne peut pas rajouter une heure de plus à notre vie, ni payer le retour d’un être cher, ni nous donner plus d’amour.

Lorraine Charbonneau – Ex-fonctionnaire de la Fonction publique fédérale – Résidente du Marronnier - Laval - Québec - le 24 mars 2021

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