L'intimidation

Un mal insidieux

Cela fait plusieurs jours que j’y pense. Ce sujet est très important pour moi. Depuis la maternelle jusqu’à la fin de mon secondaire, j’ai été victime d’intimidation. Cela commença par une simple blague pour en venir à la violence physique.

On dit que les mots ne laissent pas de trace. C’est faux. Je ne compte plus les jours où je suis arrivée à l’école la peur au ventre. Je ne compte plus les soirs où je suis revenue à la maison avec le visage ensanglanté parce qu’un petit monstre m’avait fait débouler l’escalier avec une jambette juste pour se rendre intéressant, pour se faire remarquer. La direction et les professeurs n’ont rien fait. Ils appelaient cela des «chamailleries d’enfants».

Je ne compte plus les fois où mon père est allé discuter avec les parents du petit monstre pour que cela cesse. J’avais la paix pour deux à trois jours, mais cela recommençait. Ces jours sont devenus des semaines, puis des mois, puis des années. J’ai eu des idées de vengeance, mais j’ai fini par endurer. Au fil de mes réflexions, j’ai compris que l’intimidation, il y en avait dans tous les milieux, dans toutes les familles. Ce n’est pas qu’une affaire de sexe, de race ou de religion. Que l’on soit riche ou pauvre, c’est là.

Aujourd’hui, j’ai pardonné, mais je n’ai pas oublié. Pardonner m’a libérée, mais pas totalement. Cela a aussi créé un vide intérieur. Comme tout le monde le sait, la nature a horreur du vide. Et normalement, ce vide aurait dû, selon moi, aboutir à la réconciliation. Mais cela ne se produira pas. Aujourd’hui les petits monstres sont devenus des adultes. Quand j’en rencontre un, ma ville étant une petite ville où à peu près tout le monde se connaît, je change toujours de trottoirs.

Louise Lépicier - autodidacte - Joliette - Québec - le 30 mars 2022

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